Le policier a procédé à l’arrestation de l’accusé pour conduite d’un véhicule alors que son alcoolémie dépassait 80 mg d’alcool par 100 ml de sang. Le policier n’ayant pas respecté le droit à l’avocat de l’accusé prévu par la Charte canadienne des droits et libertés, la Juge exclut la preuve des tests d’alcoolémie effectués au poste de police suite à l’arrestation et acquitte, par conséquent, l’accusé de cette infraction.
Dans cette affaire, la défense présente une requête en exclusion de la preuve, plus précisément les tests d’ivressomètre mesurant l’alcoolémie de l’accusé, au motif « que l’accusé n’a pu exercer correctement son droit à l’avocat. »
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LES FAITS
Alors que le policier est en patrouille, il remarque l’accusé qui conduit son véhicule alors qu’il ne porte pas sa ceinture de sécurité. Il procède donc à l’interception du véhicule et remarque que l’haleine de l’accusé dégage une odeur d’alcool. Ce dernier remet sans difficultés ses documents (permis de conduire, immatriculation, assurance).
Le policier demande alors à l’accusé de le suivre afin de procéder à un test à l’aide de l’ADA (appareil de détection approuvé). Selon le policier, « c’est à ce moment que l’accusé lui mentionne qu’il vient de terminer sa bière. »
Afin de s’assurer de la fiabilité de l’appareil de détection, comme l’accusé mentionne une consommation d’alcool récente, le policier décide d’attendre 15 minutes avant d’administrer le test afin d’éviter que le résultat soit faussé par de l’alcool résiduel dans la bouche de l’accusé.
Après avoir attendu 15 minutes, l’accusé fournit l’échantillon requis et échoue le test de dépistage d’alcool.
Suite à cet échec, le policier procède à l’arrestation de l’accusé pour alcool au volant, lui donne ses droit et le transporte au poste de police afin de procéder aux tests d’alcoolémie à l’aide de l’éthylomètre approuvé.
Une fois arrivée au poste, le policier demande à l’accusé s’il souhaite communiquer avec un avocat et ce dernier mentionne vouloir parler avec un avocat en particulier qu’il connait depuis de nombreuses année.
Le policier compose alors le numéro de téléphone du domicile de l’avocat en question mais il n’obtient pas de réponse et il n’y a pas de boîte vocale permettant de laisser un message vocal.
« Le policier ne fait ensuite aucune démarche pour contacter l’avocat à son bureau professionnel. Il indique à l’accusé qu’il n’y a pas de réponse au numéro ».
C’est à ce moment que l’accusé indique le nom d’un autre avocat « mais le policier ne réussit pas à le rejoindre. »
L’accusé communiquera alors avec un avocat de l’aide juridique avant d’effectuer les tests d’ivressomètre.
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LE DROIT APPLICABLE
La défense, dans ce dossier, plaide que le « droit à l’avocat n’a pas été intégralement respecté. »
Tel que la Juge Aubry l’indique clairement, « l’article 10 b) de la Charte impose trois obligations aux policiers, soit :
- L’obligation d’informer une personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance de l’avocat de son choix ainsi que de l’existence de l’avocat de garde de l’aide juridique, sans égard à ses moyens financiers;
- L’obligation de fournir à la personne détenue une possibilité raisonnable d’exercer son droit et d’en faciliter l’exercice;
- L’obligation de s’abstenir d’interroger la personne détenue avant qu’elle puisse exercer son droit. »
L’argument principal dans ce dossier est à l’effet que « le droit à l’avocat est un droit fondamental qui doit être exercé et appliqué par les policiers de façon sérieuse. »
De plus, la jurisprudence énonce clairement que « les policiers doivent permettre le droit à l’avocat, tout en faisant un effort raisonnable selon les circonstances pour que l’accusé puisse l’exercer. »
Tel qu’indiqué plus haut, le policier a signalé, à une seule reprise, le numéro de téléphone du domicile de l’avocat de l’accusé, « alors qu’on était en fin d’après-midi. » Il n’a pas tenté de contacter l’avocat de l’accusé à son bureau, « c’est-à-dire l’endroit où il aurait pu logiquement se trouver à cette période de la journée. » Si l’avocat n’était pas à son bureau à cette heure-là, « sa secrétaire aurait pu fournir certaines instructions ou précisions à cet effet et faire en sorte qu’il communique avec l’accusé au poste de police. »
L’accusé connaît cet avocat « depuis plus de vingt ans et que c’est un avocat en qui il a pleinement confiance pour représenter ses intérêts légaux. » Si le policier avait informé l’accusé qu’il n’avait téléphoné qu’à la résidence personnelle de l’avocat, « il aurait insisté pour qu’il lui téléphone également à son bureau. »
Dans son jugement, la Juge Aubry cite certains extraits du jugement rendu dans la cause R. c. Lefebvre :
« Bien que le juge d’instance ait reconnu l’existence d’une violation du droit à l’avocat de son choix et considéré que celle-ci était grave, sérieuse et délibérée, il s’avère néanmoins essentiel d’en décrire les grands axes tout en faisant ressortir une caractéristique essentielle de ce droit, soit l’importance de la relation de confiance entre le client et son avocat. »
« De plus, le contexte d’une enquête relative à la conduite d’une automobile avec les facultés affaiblies commande de préciser la portée du droit de consulter l’avocat de son choix afin d’éviter de minimiser ce droit à tel point que son exercice ne devienne qu’un objectif théorique et que sa violation ne soit trivialisée. »
« La nature éminemment personnelle de la confiance que porte le client à son avocat exige aussi que ce choix soit respecté par l’État. Ainsi, l’État ne doit pas s’ingérer dans l’exercice de ce choix, ni dans la relation de confiance entre le client et son avocat. »
La Juge indique clairement que « le droit constitutionnel canadien reconnaît le droit de tout individu détenu de consulter un avocat en qui il a confiance et non uniquement n’importe quel avocat. »
La seule démarche effectuée par le policier pour communiquer avec l’avocat de l’accusé est décrite par la Juge Aubry comme étant « minimaliste. »
Elle ajoute également que « de toute évidence, il n’a pas non plus bénéficié d’un délai raisonnable pour pouvoir rejoindre l’avocat de son choix. »
« Dans le présent dossier, le Tribunal considère que les démarches du policier pour que l’accusé puisse parler à l’avocat de son choix ne sont pas suffisantes pour atteindre les exigences de l’article 10 b) de la Charte.
Le test de l’arrêt Grant est ici rencontré, considérant que le droit à l’avocat est un droit fondamental et que l’attitude du policier, sans la qualifier de mauvaise foi, démontre qu’il y a eu de la négligence de la part de la Sûreté du Québec quant à l’obligation de rejoindre l’avocat du choix de l’accusé.
Précisons que même si l’agent de la paix n’a pas agi de mauvaise foi, cela n’atténue pas la gravité de la violation constitutionnelle de ce droit. »
CONCLUSION
Suite à l’analyse de la preuve présentée lors du procès, la Cour « estime que la conduite policière est suffisamment grave pour militer en faveur de l’exclusion de la preuve, soit les certificats du technicien qualifié, l’utilisation des éléments de preuve obtenus en violation de la Charte étant susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. »
Comme les résultats des tests d’alcoolémie sont exclus, l’accusé est acquitté d’avoir conduit son véhicule avec une alcoolémie de plus de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang.
Référence: La Reine c. Saindon – cause # 655-01-014365-182
Jugement du 28 novembre 2019 de l’Honorable Nathalie Aubry, J.C.Q. de la Cour du Québec « Chambre criminelle et pénale » du district de Baie-Comeau
Me Micheline Paradis, Avocate
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