Acquittement Garde et contrôle – Jugement du 4 juin 2020

acquittement cause garde contrôle 4 juin 2020

L’accusé est retrouvé endormi derrière le volant, alors que le moteur de son véhicule est en marche et les phares allumés. Comme l’accusé avait un plan pour son retour sécuritaire à la maison et qu’il n’y avait pas de risque réaliste de danger, le Juge acquitte l’accusé de garde et contrôle d’un véhicule avec les facultés affaiblies par l’alcool et avec une alcoolémie supérieure à la limite permise par la loi.

Il est important ici de préciser que l’article 320.11 du Code criminel prévoit que « conduire un véhicule à moteur » signifie le « manoeuvrer » ou « en avoir la garde ou le contrôle ».

LES FAITS DE CETTE CAUSE

Les policières sont informées à l’effet qu’un individu dort dans un véhicule. Cette information est transmise par un employé de Tolérance zéro, un service de raccompagnement.

Les policières arrivent sur place et constatent que le moteur du véhicule est en marche, les phares sont en fonction et que l’accusé dort sur le siège, penché vers l’arrière, du conducteur.

La policière a beaucoup de difficultés à réveiller l’accusé qui dort profondément.

Elle réussit finalement à réveiller ce dernier et constate, lorsque celui-ci sort de son véhicule, que ses yeux sont rouges, qu’il a de la difficulté avec son équilibre et qu’il dégage une odeur d’alcool.

L’accusé déclare alors à la policière qu’il attend ses parents.

La policière met l’accusé en état d’arrestation à 00 h 15.

Une fois au poste de police, l’accusé subit 2 tests d’ivressomètre. Ces tests révèlent une alcoolémie de 140 mg d’alcool par 100 ml de sang.

 

L’accusé témoigne à l’effet que le soir de son arrestation, il avait été rejoindre deux amis dans un restaurant-bar, où il y consomme un repas, du vin et deux shooters.

« Comme il ne se sent pas bien, il fait appel au service de raccompagnement Tolérance zéro qu’il connaît très bien. Il dépose un relevé d’appel confirmant que la communication avec ce service a lieu à 22 h 50.

Puisqu’il craint d’être malade dans le restaurant, il se rend à l’extérieur. Voyant que les vitres de sa voiture sont givrées, il met le moteur en marche. Il décide de s’asseoir en attendant l’arrivée de l’employé de Tolérance zéro, mais il tombe dans un profond sommeil.

Lorsque la policière le réveille, il confirme qu’il est désorienté. »

« Puisque le représentant de Tolérance zéro n’est toujours pas arrivé, il envisage comme autre option de faire appel à ses parents », d’où la raison pour laquelle il indique à la policière « que ses parents viendront le chercher.

Après avoir été remis en liberté au poste de police, il revient au bar pour récupérer son appareil cellulaire et ses autres effets personnels qu’il avait laissés dans un endroit sécurisé du restaurant puis il marche jusque chez lui, ce qui représente un trajet d’environ 15 minutes à pieds. »

LE DROIT APPLICABLE

« En vertu de l’article 320.35 du Code criminel, lorsque la preuve démontre qu’un accusé occupe la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit un moyen de transport, il est présumé l’avoir conduit à moins qu’il n’établisse qu’il n’occupait pas cette place ou cette position dans le but de mettre en mouvement le moyen de transport.

L’intention de mettre le véhicule en mouvement suffit à elle seule à créer le risque de danger que vise l’infraction de garde ou de contrôle.

Cette présomption peut être réfutée si l’accusé démontre par prépondérance de preuve son absence d’intention de mettre le véhicule en mouvement. Si l’accusé réussit à repousser cette présomption, il revient alors à la poursuite d’établir hors de tout doute raisonnable qu’il en avait la garde ou le contrôle.

En effet, comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt Boudreault, l’accusé qui convainc le tribunal qu’il n’avait pas pareille intention ne sera pas forcément acquitté. La personne trouvée ivre, assise à la place du conducteur et capable de mettre le véhicule en mouvement, même sans en avoir l’intention à ce moment-là, pourrait néanmoins présenter un risque réaliste de danger.

Par ailleurs, suivant les arrêts Ford et Toews, la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur consiste en des actes ou une série d’actes représentant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires qui comportent le risque de mettre le véhicule à moteur en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux. »

« Après avoir observé l’accusé lors de son témoignage, le Tribunal estime que ce dernier s’est déchargé de son fardeau de repousser par la balance des probabilités la présomption prévue à l’article 320.35 du Code criminel.

En effet, le Tribunal croit l’accusé lorsqu’il affirme qu’il n’avait pas l’intention de conduire son véhicule à l’arrivée des policières puisqu’il dormait en attendant le représentant de Tolérance zéro. D’ailleurs, cette preuve n’est pas contredite.


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Quant à l’élément de garde ou de contrôle, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas dans la présente cause de risque réaliste que l’accusé mette le moyen de transport en mouvement de telle sorte qu’il puisse devenir dangereux.

Ce dernier a rendu un témoignage clair, précis et sans contradictions majeures. Il n’a pas hésité à répondre à toutes les questions. Le Tribunal n’a pas noté de réponses évasives. Son témoignage n’est pas devenu erratique lorsqu’on a abordé les faits essentiels. Sa version n’est ni improbable ni déraisonnable.

En bref, il y a impossibilité de noter quelque indice que ce soit permettant de croire que l’accusé a dit des faussetés.

Ce dernier n’hésite pas à affirmer qu’une fois rendu au bar, il a, en toute connaissance de cause, décidé de prendre des consommations d’alcool, car il a alors un plan bien arrêté.

L’accusé fait appel à un service de transport et de raccompagnement. Il comprend très bien qu’il n’est pas en mesure de conduire compte tenu de son état d’ébriété, mais aussi de sa fatigue.

Le temps d’attente étant de 20 à 30 minutes, il fait dégivrer les vitres de sa voiture en démarrant le moteur afin d’actionner la chaufferette. Il baisse le dossier pour se reposer, car il ne se sent pas bien puis il s’endort. »

De plus, le Juge ajoute que « le fait que l’accusé ait laissé son téléphone cellulaire et ses effets personnels à l’intérieur du bar démontre aussi qu’il n’allait pas quitter les lieux avant l’arrivée du service de raccompagnement. »

Le Juge précise que la preuve entendue lors du procès indique « que l’appel à Tolérance zéro a été composé à 22 h 50 à partir du cellulaire de l’accusé. Il est également établi que le plaignant a communiqué avec les policiers à 23 h 20 pour les informer qu’un individu dormait dans sa voiture. Or, le plaignant est un employé de l’entreprise Tolérance zéro.

Force est de constater que cet employé s’est présenté sur les lieux 30 minutes après l’appel de l’accusé, ce qui représente très précisément le délai d’attente spécifié lors de la conversation téléphonique avec le répartiteur de Tolérance zéro.

Tous ces éléments de preuve circonstanciels viennent renforcer la thèse soumise par l’accusé.

La poursuite soutient par ailleurs que l’accusé était confus et qu’il aurait pu tout aussi bien décider de ne pas attendre plus longtemps et de partir avec sa voiture.

Cet argument a été plaidé dans l’arrêt Boudreault.

La Cour suprême mentionne que l’infraction de garde ou de contrôle vise un vaste éventail de conduites dangereuses. Effectivement, quiconque est intoxiqué et en position de mettre immédiatement un véhicule en mouvement est passible d’être déclaré coupable sur la base de ces seuls faits.

Citant le juge Lamer dans l’arrêt Penno, la Cour suprême rappelle toutefois que la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu’à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d’une personne dont la capacité de conduire est affaiblie.

Le juge Fish souligne par ailleurs que le législateur a jugé bon de ne créer qu’une inversion du fardeau de la preuve dans le contexte de l’infraction de garde ou contrôle. Elle est prévue à l’article 258 (aujourd’hui 320.35 du Code criminel). Il ajoute qu’il appartiendrait au législateur, et non aux tribunaux, de décider de toute autre inversion du fardeau de la preuve, par exemple quant à l’existence d’un risque réaliste de danger pour les personnes ou les biens.

Ce fardeau appartient donc à la poursuite. Comme il a été mentionné précédemment, elle doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable de l’existence d’un risque réaliste de danger pour les personnes ou les biens.

Les faits dans la présente affaire sont étonnamment semblables à ceux que l’on retrouve dans l’arrêt Boudreault, arrêt dans lequel la Cour suprême a rétabli l’acquittement prononcé en première instance. Il convient de rappeler ces faits :  Boudreault étant trop ivre pour conduire, il fait appel à un taxi. Puis il décide d’attendre dans sa camionnette plutôt que dehors au froid. Pendant qu’il attend le taxi, Boudreault démarre le moteur et il met du chauffage. Il n’a jamais tenté de mettre le véhicule en mouvement, ni avant l’arrivée du taxi, ni après. Le taxi arrive finalement quelque 45 minutes après le premier appel téléphonique, et 20 à 25 minutes après le second. Le chauffeur de taxi trouve Boudreault endormi derrière le volant. Au lieu de réveiller Boudreault pour le reconduire chez lui, le chauffeur de taxi appelle la police.

Dans le présent cas, l’accusé avait un plan bien arrêté. Ce plan était concret et fiable. L’appel téléphonique de l’accusé à l’entreprise Tolérance zéro et le fait que ce soit un représentant de ce service qui communique avec les policiers le confirment. Il faut en venir à la conclusion que le risque que l’accusé mette son véhicule en mouvement n’était pas réaliste ce soir-là. »

« Le Tribunal croit l’accusé lorsqu’il affirme qu’il allait suivre son plan. Comme il est mentionné précédemment, il n’y a aucune raison de mettre son témoignage de côté. »

Considérant la preuve dans la présente cause et analysant celle-ci en relation avec la jurisprudence en vigueur sur les notions de garde et contrôle, le Juge acquitte l’accusé des deux chefs d’accusation contre lui.

Référence : La Reine c. Gauthier – cause 400-01-92672-195

Jugement du 4 juin 2020 par l’Honorable Juge Jacques Lacoursière, Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Trois-Rivières

 

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