Suite à une sortie de route, l’accusée est arrêtée pour conduite avec les facultés affaiblies. Malgré le fait que l’accusée demande, sur les lieux de l’arrestation, de communiquer avec un avocat, ce n’est qu’une fois rendu au poste, soit plus d’une heure après l’arrestation, que l’accusée parle finalement à un avocat. Comme le droit de l’accusée de communiquer avec un avocat sans délai a été violé, le Juge exclut les résultats d’alcoolémie de la preuve et acquitte l’accusée de conduite avec 80 mg ou plus d’alcool dans le sang.
Dans cette cause, la défense plaide que le droit à l’avocat, prévu à l’article 10 b) de la Charte canadienne des droits et libertés, a été violé et demande donc à la Cour l’exclusion des tests d’alcoolémie effectués au poste de police suite à l’arrestation de l’accusée.
LES FAITS PRÉSENTÉS LORS DU PROCÈS
L’accusée, « manque un tournant et fait une sortie de route en se retrouvant inopinément à l’extrémité d’un cul-de-sac. Il est établi que l’endroit en question est probablement de nature à entraîner des erreurs de conduite qui ne sont pas uniques à l’accusée. Un voisin demeurant devant les lieux de l’embardée est entendu comme témoin et explique avoir assisté à de semblables événements à plusieurs reprises dans le passé. »
Lorsque les policiers arrivent sur les lieux de l’accident, « ils ne remarquent pas de signe d’ébriété chez elle, bien qu’elle ait une haleine dégageant une odeur d’alcool.
Autrement, elle marche correctement, se tient normalement et est tout à fait polie et collabore entièrement avec les policiers. »
« Considérant l’accident et l’odeur d’alcool, les policiers la soumettent à un prélèvement d’échantillons d’haleine avec un appareil de détection approuvé (« ADA »). Elle échoue ce test. Elle est par la suite arrêtée et ses droits lui sont lus. »
LES VERSIONS DES TÉMOINS
Selon un des policiers, « l’accusée indique ne pas vouloir appeler d’avocat. Il est le seul témoin du ministère public. L’accusée, elle, prétend avoir indiqué son désir de parler à un avocat, mais que les policiers, après cette réponse, n’ont rien fait, n’ont rien rajouté. »
Une fois rendu au poste de police, toujours selon le même policier, ce dernier « insiste comme il le fait habituellement pour que l’accusée consulte un avocat. Elle accepte finalement et il la met en contact avec l’aide juridique. Elle a une consultation avec un avocat entre 22h00 et 22h06. Elle avait initialement été arrêtée entre 21h07 et 21h10.
Il est établi que l’accusée avait un téléphone cellulaire fonctionnel avec elle, qu’ils ont attendu sur place jusqu’à 21h20 pour quitter en direction du deuxième poste de police et que bien qu’il n’existait pas de pratique en vigueur à la Sûreté du Québec, du moins pas à la connaissance du témoin, relativement à l’accès aux avocats sur le bord de la route, peut-être cela aurait-il pu être organisé. »
L’accusée témoigne qu’il s’agissait de sa première arrestation. « Elle n’est pas familière avec les procédures ni avec ses droits. Quand elle exprime son désir de parler à un avocat, mais dit ne pas en connaître, elle n’obtient pas de réaction des policiers. Elle n’insiste pas.
Au poste de police, on lui parle encore de ses droits, notamment celui de parler à un avocat. Elle mentionne à nouveau ne pas en connaître. Le policier lui fournit un numéro de téléphone et elle accepte de parler à un avocat de l’Aide juridique. »
Suite à cette conversation, elle fournit les souffles exigés pour déterminer son alcoolémie.
LA QUESTION EN LITIGE
La seule question en litige dans le présent dossier est de déterminer s’il y a eu violation du droit de l’accusée de consulter un avocat sans délai et, si oui, la réparation appropriée dans ce cas.
« La question se résume essentiellement, du moins pour l’instant, à trancher entre la version de l’accusée, à savoir qu’elle a demandé de parler à un avocat et la version policière selon laquelle est n’a pas exercé ce droit, n’a pas fait cette demande avant d’arriver au poste de police. »
LE DROIT APPLICABLE
Face à deux versions contradictoires, le Juge précise que l’accusée « a témoigné brièvement, mais tout de même clairement et logiquement. Elle n’a pas la prétention d’avoir une mémoire photographique de tous les événements de la soirée ni d’avoir la capacité de répéter toutes les paroles entendues ou prononcées pendant son interaction avec les policiers, mais cela rend plutôt crédible son récit que le contraire. Personne ne prétend non plus qu’elle aurait été dans un tel état d’intoxication que sa mémoire serait suspecte ou possiblement déformée. »
Quant au témoignage du policier, le Juge indique que le fait que l’accusée aurait décliné son droit à l’avocat sur les lieux de l’arrestation n’est noté à aucun endroit dans les documents rédigés par les policiers dans le présent événement.
Lors de son témoignage, le policier reconnaît qu’une « telle mention est tout de même importante et si on comprend aisément que personne ne demande aux policiers de noter le mot à mot des interventions entre eux et les citoyens, certaines mentions davantage importantes sont attendues. »
De plus, le Juge note également le fait que le policier indique à la Cour qu’une fois au poste de police, il demande à l’accusée « avec quel avocat voulez-vous communiquer ».
Interrogé à ce sujet, « le policier reconnaît l’existence de cette inscription à son rapport. Il reconnaît aussi – avec raison – que cette mention laisse supposer qu’auparavant l’accusée a pu faire une demande de parler à un avocat. Il reconnaît de la même manière que sa « tournure de phrase » est déplacée ou contradictoire avec sa version. »
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CONCLUSION
Considérant ces deux versions, le Juge déclare que la preuve prépondérante indique que l’accusée « a bel et bien demandé de parler à un avocat dès son arrestation sur les lieux de sa sortie de route. Je conclus que cette demande a été ignorée par les policiers qui n’ont permis l’exercice de ce droit qu’arrivés au poste de police. »
De plus, le Juge ajoute qu’il « ne doute pas non plus qu’il y aurait vraisemblablement eu une occasion raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, pour lui permettre d’exercer ce droit plus tôt. »
Considérant deux jugements de la Cour d’appel du Québec qui « a considéré que la violation des droits existait, que les policiers avaient cette obligation de s’assurer de l’exercice des droits lorsqu’ils étaient réclamés. Du même souffle, dans ces deux décisions, la Cour analyse l’effet que devrait avoir sur l’admissibilité de la preuve cette violation et exclut cette preuve, ou encore maintient la décision d’exclusion. »
De plus, le Juge précise que « les tribunaux d’instance doivent appliquer les instructions des tribunaux hiérarchiquement plus élevés. Il m’apparaît ainsi déplacé de refaire l’exercice et je conçois difficilement comment il serait possible d’admettre cette preuve considérant ces décisions récentes et contraignantes.
En conséquence, la requête est accueillie et la preuve exclue.
Cela étant, vu l’absence d’un élément de preuve essentiel, l’accusée est acquittée de l’accusation portée contre elle. »
Référence : La Reine c. Dostie – cause # 460-01-036431-199
Jugement du 12 mai 2022 de l’Honorable Serge Champoux, J.C.Q., Cour du Québec (chambre criminelle et pénale) du district de Bedford (Granby).